Education à la diversité alimentaire : où en est-on?

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Bonjour!

Après presque deux mois sans article dactylographié (mine de rien, écrire demande plus de temps que de préparer une planche de BD), il est temps pour moi de reprendre le clavier, pour parler cette fois-ci d’alimentation. Certes, depuis quelques jours l’Europe est prise dans un nouveau scandale agroalimentaire qui n’a heureusement rien de sanitaire, mais rassurez-vous, ce n’est pas le sujet que j’aimerais aborder aujourd’hui, et puis les autres le feront très bien pour moi.

Hier, c’était mardi. Et comme tous les mardis depuis maintenant un mois, je rejoins les autres à 19h30 sur le parking de la résidence pour récupérer mon panier de légumes auprès d’Abderrahman, le maraîcher. C’est en début d’année que je me suis inscrit à l’AMAP de SupAgro, non pas en tant qu’une stupide bonne résolution de la nouvelle année, mais parce que je trouvais intéressant de me faire livrer régulièrement un panier de légumes de saison, produits localement, qui me permettraient de varier et équilibrer mon alimentation. Je me fiche personnellement que ces légumes soient cultivés en agriculture conventionnelle, biologique, ou biodynamique, pour peu que l’agriculteur le fasse de manière raisonnée (ici aucun souci, Abderrahman est en conversion AB). Et puis, il y a un aspect pratique indéniable: je n’ai pas besoin de réfléchir à quoi acheter, je reçois toutes les semaines un panachage de fruits et légumes qui me permet moduler mes menus d’étudiant, pour un prix que j’estime tout à fait correct (en fait, je crois même que mon budget bouffe a diminué).

Parmi tous ces points, la question centrale reste la notion de diversité et de saisonnalité des produits.

Certains vous diront ainsi que contracter à une AMAP en hiver est quelque chose de triste, synonyme de longues soirées au coin du feu rythmées par un morne et invariable repas à base de patates et de poireaux (quand ce n’est pas du chou). Souvent, ce seront ces mêmes personnes qui, sous couvert de volonté de diversité alimentaire, auront tendance à se tourner vers des productions désaisonnées, cultivées le plus souvent sous serre en Espagne quand ce n’est pas à l’autre bout de la planète. Au delà des interrogations qui peuvent être soulevées lorsque l’on mange au 25 décembre une cerise chilienne (oh et puis merde, c’est le 25 décembre après tout), il serait temps de nous demander où en est l’éducation à l’alimentation, dans le contexte d’une importante diversité des productions à l’échelle nationale. Car oui, notre bonne vieille France cultive dans ses terres fertiles un grand nombre d’espèces et de variétés potagères et fruitières, se déclinant en une infinité de formes, de couleurs, de textures et de saveurs, et ce tout au long des saisons (sans parler aujourd’hui de variétés anciennes qui sont un tout autre sujet, jetez donc un oeil au catalogue maraîcher des graines Woltz).

Seulement, à l’autre extrémité de la chaîne logique se trouve la grande distribution qui, plutôt que de profiter de cette diversité, s’obstine a commercialiser un faible nombre d’espèces et de variétés, le plus souvent importées, désaisonnées, calibrées et standardisées pour fournir un produit identique 365 jours par an, conforme aux attentes d’un consommateur lambda.

Je fais partie de la génération Y, dite du « pourquoi ». Mes parents quant à eux sont issus de la génération X, « marquée par d’importants changements technologiques et un sentiment que rien n’est impossible, pour peu que les moyens y soient mis ». Personnellement, j’ai plutôt le sentiment que les années 70-90 peuvent être caractérisés par un consumérisme acharné, mais peu importe. J’ai grandi dans un milieu social ouvrier, mais mes parents ont fait en sorte que nous ne manquions de rien. La quasi-totalité de l’alimentation de notre foyer était issue de la grande distribution. J’estime avoir reçu une bonne éducation, et reposer sur des valeurs morales correctes. J’ai donc grandi comme un français tout ce qu’il y a de plus standard, en consommateur lambda dont la connaissance des fruits et légumes s’est plus ou moins limitée au monde du supermarché.

Et en bon Y, je me pose maintenant tout un tas de questions. Comment se fait-il que je n’aie jamais reçu d’éducation concernant la diversité des possibles dans l’alimentation issue de la production agricole non transformée ? Pourquoi ais-je du aller jusqu’à une formation supérieure en agronomie pour m’en rendre compte ? De manière plus large, quelle doit-être la place du système éducatif dans l’enseignement de l’alimentation, non seulement au delà des questions de diététique à mes yeux inutilement prépondérantes, mais surtout en termes d’enseignement d’une culture générale agricole ?

A l’heure actuelle, des documents de référence comme le Programme National Nutrition Santé, dont la première version remonte à 2001, permettent d’apporter un certain nombre de réponses au travers de certains de ses axes, comme ceux présentés ci-dessous :

Améliorer l’offre alimentaire :

  • Prendre de bonnes habitudes alimentaires dans le cadre scolaire ou périscolaire, en facilitant l’apprentissage de bonnes pratiques alimentaires par les étudiants et leur découverte des produits bruts à un tarif social
  • Favoriser l’innovation dans le champ des productions agricoles, de la pêche et de l’alimentation, notamment pour les PME
  • Améliorer l’accès aux produits de base
  • Améliorer ou conserver la qualité organoleptique de l’offre alimentaire
  • Développer des variétés végétales à haute valeur environnementale, nutritionnelle et organoleptique
  • Améliorer l’information sur les variétés commercialisées
  • Rapprocher producteurs et consommateurs: développer les productions agricoles et de la pêche en circuits courts ou de proximité, faciliter l’accès des consommateurs de la restauration collective publique aux productions issues de ces circuits

Renforcer l’éducation nutritionnelle en milieu scolaire par :

  • le développement de l’éducation à la nutrition en s’appuyant notamment sur les programmes scolaires, particulièrement en CE2 et 5è
  • la valorisation et la diffusion d’outils de référence en éducation nutritionnelle pour l’école primaire comprenant des outils d’analyse de la publicité alimentaire des outils d’éducation sensorielle et des outils pour des ateliers culinaires
  • la sensibilisation des parents, sur la base du dossier documentaire réactualisé
  • la diffusion d’une circulaire portant sur les prises alimentaires à l’école, au collège et au lycée

Malgré une volonté visiblement marquée de travailler sur des questions d’éducation, je n’ai aucun souvenir d’interventions de sensibilisation sur ces problématiques (en 2001, j’étais alors en 5ème), et je n’ai pas l’impression que ce soit non plus le cas aujourd’hui. Le fait que le PNNS ne soit équipé que d’outils incitatifs plutôt que coercitifs est-il ainsi pertinent ? Prenant ainsi ces questions par la base que constitue l’éducation, serait-il intéressant de réorienter le crédo de ce programme vers un « découvrez-mangez » plutôt que « mangez-bougez » ?

Et vous, que faites-vous au quotidien pour éduquer votre entourages à la diversité des possibles en termes d’espèces et de variétés alimentaires, ainsi qu’à la notion d’aliments de saison ? Amis instituteurs, dans quelle mesure ces notions sont-elles présentes au sein de vos programmes d’enseignement ?

J’aimerais lancer le débat: à vos claviers, donc !

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