Le Paradoxe de JobTeaser : mon point de vue depuis l’ESR

Hello,

J’aimerais aujourd’hui partager avec vous quelques réflexions sur un sujet qui me taraude : la place de JobTeaser dans le recrutement des jeunes diplômés en France.

JobTeaser, pour ceux qui ne connaissent pas, est une plateforme de recrutement qui a réussi à s’imposer comme un partenaire essentiel des établissements d’enseignement supérieur en France. C’est pas compliqué : plus de 300 universités et écoles sont listées en tant que telles sur leur site internet [1]. Ce succès est dû, en grande partie, à la gratuité du service pour l’enseignement sup’ [2][3], et au fait que celui-ci semble être un outil efficace pour les services d’accompagnement à l’emploi des établissements. Bon par contre auprès des étudiants c’est pas ça ; un rapport cite qu’en 2019, seuls 2% des étudiants – même si ça me semble faiblard – connaissent la plateforme « pour sa dimension offres d’emploi » [4].

Néanmoins, cette réussite est un couteau à double tranchant. D’un côté, la plateforme offre un vrai vivier de talents qui est constitué en fin de cursus et centralisé chez JobTeaser. De l’autre, en tant que recruteur et bien que dans l’ESR, je me retrouve confronté à un problème de taille : pour que mes offres d’emploi et de stage soient visibles sur l’ensemble des job boards des universités, je dois passer à la caisse. En tous cas, je ne trouve pas trace de partenariat affiché ni avec l’Inraé, l’IRD, le CNRS… et du côté de mon organisme de tutelle le Cirad, après avoir demandé au service RH il n’y a pas non plus. Impossible donc d’accéder facilement à ce vivier de talents.

Cette position de quasi monopole sur les établissements d’enseignement supérieur est d’autant plus inquiétante quand on constate que JobTeaser, de par son excellent positionnement dans l’écosystème French Tech, est cité dans un nombre incalculable de supports de com’ de l’état, et fourré dans toutes les bonnes initiatives du gouvernement : « 1jeune1solution » [5], « la French Tech recrute » [6]… jusqu’à être le job board de la DGSE qui cherche pour le coup ouvertement à attirer des profils jeunes et tech [7].

Cela me fait me demander : pourquoi l’APEC, l’agence publique pour l’emploi des cadres qui possède déjà l’expertise nécessaire pour faire un travail équivalent, n’a pas été mobilisée sur les initiative sur-citées ? Pourquoi ne joue-t-elle pas un rôle plus important ? Pourquoi ne pas donner plus de moyens à l’APEC pour accomplir cette mission, plutôt que de laisser un acteur privé dominer le marché?

Et que penser de l’acquisition récente par JobTeaser de Graduateland, un concurrent nordique, renforçant ainsi leur position sur le marché européen [8] ? À mon avis, cette situation pose des questions cruciales sur l’équité d’accès au marché du recrutement des jeunes diplômés.

Je ne suis pas contre le fait de déléguer des compétences au privé, ni payer pour un service [9] (vous me connaissez, je suis le plus centriste de vos amis de gauche), mais ce qui me dérange, c’est ce sentiment d’impuissance face à un kidnapping : l’université et les écoles, dont un grand nombre d’établissements publics, forment des talents sur les deniers du contribuable. Ok. Ces talents alimentent les bases de données des job boards de leurs écoles, lesquelles percolent jusqu’à JobTeaser. Soit. Par contre, que l’ESR ne puisse pas en retour avoir accès à l’ensemble du vivier et ne puisse pas shooter ses offres d’emploi à tous les jeunes diplômés de France et de Navarre, ça flaire bon l’injustice, voire le vol. Et il faut rajouter à ça que dans la recherche publique, où on ne roule pas forcément sur l’or ce qui explique en partie une crise de l’attractivité (un argument choc pour la revalorisation des salaires dans les EPIC ces derniers mois), la barrière financière mise en place par JobTeaser (j’avais reçu un devis à 1800€ pour une diffusion large, faites la comparaison avec le budget d’un stagiaire de fin d’études à 5k€) complique l’attraction des talents, alors que ce ne sont ni les idées, ni les offres qui manquent.

Donc dans l’ensemble, je serais content si JobTeaser laissait a minima la possibilité à l’ESR en France de diffuser largement ses annonces sur… les job boards de l’ESR.

Bref, je suis convaincu que nous avons besoin de plus de transparence sur le marché du recrutement des jeunes diplômés, car JobTeaser n’est qu’un exemple parmi d’autres [10], et que ça ne semble pas questionner le moins du monde les universités autonomes depuis peu [11]. Ce n’est qu’en donnant à tous les acteurs, publics comme privés, un accès équitable à ces ressources que sont nos jeunes diplômés que nous pourrons véritablement optimiser notre potentiel collectif, dans un contexte assez malaisant de désertion des nouvelles recrues face à l’urgence climatique (oui, il fallait une conclusion grandiloquente).

C’est un sujet complexe, et je suis curieux de connaître vos points de vue. N’hésitez pas à laisser un commentaire ci-dessous pour partager vos idées.

A bientôt,

J.


Références :

[1] Sur le site de JobTeaser, 13 pages de listing d’établissements d’enseignement supérieur, soit plus de 300 établissements listés rien qu’en France https://www.jobteaser.com/fr/corporate/notre-reseau-d-ecoles-et-d-universites

[2] Sur ce tableau des conventions de partenariat de l’ENS, on voit une ligne JobTeaser chiffrée à 0€ https://ens-paris-saclay.fr/sites/default/files/2018-10/VII%20-%20Tableau%20des%20conventions%20%28information%29.pdf

[3] Rapport « Structurer la fonction recrutement », dans lequel on lit « La direction du budget expérimente l’utilisation de l’outil « Job teaser », rendu accessible gratuitement aux écoles et qui proposent à leurs étudiants pendant leurs études, et une fois en poste jusqu’à 4 ans d’expérience, un « jobcorner » comprenant des informations, des évènements et la diffusion d’offre d’emploi des entreprises et des administrations partenaires » https://www.fonction-publique.gouv.fr/files/files/Publications/Transformation%20RH/guide_structurer_la_fonction_recrutement.pdf

[4] Rapport « Evaluation de l’application du mandat de service public 2017-2021 de l’Association pour l’emploi des cadres (APEC) » https://igas.gouv.fr/IMG/pdf/2020-068r_annexes_et_pieces_jointes_numerotees_.pdf

[5] https://travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/cp_mtei_-1jeune1solution.gouv.fr-_de_nouveaux_services_pour_accompagner_les_jeunes_dans_leurs_recherches_d_emploi.pdf

[6] https://www.entreprises.gouv.fr/files/files/secteurs-d-activite/numerique/communique_de_presse_partenariat_french_tech_x_jobteaser.pdf

[7] https://www.lejdd.fr/societe/exclusif-dgse-comment-la-dgse-veut-recruter-des-espionnes-132311

[8] https://press.jobteaser.com/jobteaser-acquiert-son-concurrent-nordique-graduateland

[9] « Vers un service privé de l’emploi? » https://www.parlonsrh.com/media/vers-service-prive-emploi/

[10] https://www.alliancy.fr/les-start-up-rh-et-pole-emploi

[11] https://cache.media.enseignementsup-recherche.gouv.fr/file/2020/31/3/IGESR_Mission_insertion_professionnelle_universite_Bilan_loi_LRU_1374313.pdf

Quoi de neuf…?

Camomille

Hello, hello !

Je n’ai pas chômé ces deux derniers mois. J’ai terminé mon premier contrat, en tant qu’ingénieur d’études en politique semencière, sur la thématique controversée des traitements des semences. Entre état de l’art et problématiques posées par l’interdiction des molécules néonicotinoïdes, c’est un sujet intéressant qui mériterait certainement plus d’attention de la part des structures de recherche, puisqu’ayant un impact potentiellement important du point de vue agronomique, économique et environnemental, en liaison étroite avec la question de la santé des abeilles. Je suis curieux de voir à quoi mènera ce travail en terme de publication…

En parallèle, recherche d’emploi ! Et c’est grâce à l’efficacité légendaire de celle que nous appellerons « Herr Martin » ainsi que de l’ensemble de l’équipe pédagogique de la spécialisation APIMET que l’on m’a transmis de très belles opportunités. Quelques entretiens téléphoniques et un déplacement en région angevine plus tard, on me propose de signer pour une position d’ingénieur d’études en analyse bioinformatique sur blé tendre en France, ainsi que pour un poste de sélectionneur junior sur potagères en Californie. Même si diamétralement opposées, les deux offres sont chouettes, preuve du degré de diversité des métiers du végétal. Après (intense) réflexion, je pense me tourner vers la seconde, pour des raisons que j’expliciterai peut être dans un futur proche (je ne suis pas encore au courant des éventuelles clauses de confidentialité du contrat, mais il va de soi que j’aurais longuement l’occasion de reparler du voyage).

EDIT : suite à une levée de boucliers de la part de l’intéressée, nous remplacerons le sobriquet mal utilisée de « Herr Martin » par son nom d’usage, Isabel Martin-Grande, exposé sans honte au regard du lectorat de ce blog car je cite, « APIMET c’est chouette, la génétique c’est fantastique ».

Malgré cette arrivée sur le marché de l’emploi, je ne pense pas m’arrêter en si bon chemin dans ma formation. J’aime apprendre. L’option thèse étant toujours envisagée, dans un futur un-peu-moins-que-proche cela dit, j’ai tapé un cran en dessous en m’inscrivant à EdX, un site issu d’un consortium d’universités proposant des MOOC (prononcer « mouk », pour Massive Online Open Course, cours en ligne ouvert et massif). Je pose actuellement mes fesses sur les bancs virtuels de l’UE SPU27X, un enseignement plutôt chouette en science des aliments proposé par Harvard. J’y trouve les cours bien équilibrés entre séquences de cours magistral, exercices, travaux pratiques et vidéos de mise en situation enregistrées aux fourneaux de grands noms de la cuisine contemporaine. Je suis donc dans ma période de découverte des principes de la cuisine sous vide… En bref donc, sur EdX, tout un tas de disciplines proposées; si vous n’êtes pas réfractaires à l’anglais et que vous voulez choper pour pas un rond un certificat de réussite de la part de prestigieuses universités, c’est par là qu’il faut passer!

Et c’est donc pour travailler mon SPU27X (et surtout pour fêter mon premier salaire) que je me suis offert une tablette tactile. J’ai trouvé d’occasion une Nexus 7 de 2012 encore sous garantie, et j’en suis tout à fait satisfait! J’en ai profité pour revendre ma liseuse Sony PRS-505. C’est un vrai plaisir que de lire l’actu avec Feedly et de twitter tout ça, de gérer listes de tâches et rendez-vous avec Wunderlist et Google Agenda, et de papoter sur Skype en étant affalé comme un gros dans son lit. Certes, il s’agit d’un type d’appareil fait pour la consommation plus que pour la création de contenu, mais la rapidité de mise en service et la fluidité d’utilisation est vraiment plaisante en comparaison à un PC. C’est un appareil complémentaire donc, dont le format 7″ est tout à fait adapté à ces usages en mobilité. Je l’ai embarqué lors de déplacements, et il faut bien avouer que couplé à un téléphone faisant office de point d’accès wifi, c’est carrément pratique. Je suis quand même curieux de savoir quelles seront les tendances de l’évolution de ce marché, et de voir si mon appareil qui dépend complètement d’internet pourra être utilisable -s’il est encore en état de marche, point à ne pas négliger dans ce monde d’obsolescence programmée- d’ici à 5 petites années.

Voila les nouvelles du front 🙂 En espérant que vous vous en sortez tous dans vos commandes de cadeaux des fêtes de noël (de mon côté la plupart est déjà arrivée, commandée sur Amazon et livrée par drone (voir la vidéo ci-dessous, peut être que je verrai ça en Californie? (ouais je sais je détruit le commerce de proximité de cette façon))), je vous dis à la prochaine !

Baïetas !