Je me suis fait génotyper (et j’ai aimé ça)

Hello !

Vous vous souvenez du film « Bienvenue à Gattaca » ? La bande annonce est old school, mais c’est un long métrage d’actualité 🙂

Aujourd’hui, la réalité a rattrapé la fiction, et il est tout à fait possible d’avoir accès à son information génétique par le biais d’une opération nommée génotypage. Réalisée par certaines entreprises spécialisées, elle coûte de nos jours une somme relativement modique, de l’ordre de 75 €. L’intérêt ? En savoir plus sur ses origines et soi même, au travers d’informations issues d’études de génétique d’association relatives au métabolisme et aux risques de développement d’un certain nombre de pathologies.

Cependant, la France est encore frileuse frileuse à ce sujet : le Code civil et le Code de la santé publique stipulent que « l’étude génétique des caractéristiques d’une personne ne peut être entreprise qu’à des fins médicales ou de recherche scientifique », et seulement par « des praticiens agréés à cet effet par l’Agence de la biomédecine ».

Revendiquant le droit d’accès à mon information génétique (ça doit être mon côté transhumaniste qui parle), j’ai donc profité de ma présence sur le territoire américain pour me procurer un kit d’échantillonnage en vue de cette opération. Il existe un certain nombre d’entreprises proposant ce « personal genome service »,  mais pour certaines raisons (dont le prix et la quantité de données retournées), c’est 23andme que j’ai choisi.

Mode d’emploi en images :

Genotypage-1
Etape 1 : recevoir la boîte, qui est assez badass…
Genotypage-4
… sous tous les angles
Genotypage-2
Etape 2 : on ouvre la boîte, et on suit les instructions…
Genotypage-3
… pour enregistrer le numéro d’identification de l’échantillon sur le site internet de 23andme
Genotypage-5
Etape 3 : on réalise le prélèvement et on ajoute le tampon contenu dans le bouchon (le tube est vachement bien foutu soit dit en passant, y’a juste à clipser)
Genotypage-6
Oui oui, ce sont bien 5 mL de ma bave. Mais pure, hein : il faut être à jeun pour limiter les contaminations.
Genotypage-7
Etape 4 : on scelle le tout dans le sachet fourni à cet effet
Genotypage-8
Etape 5 : et on renvoie le tout par La Poste !

Une fois reçu par le laboratoire, l’échantillon est traité (en partie par des robots dont le but ultime est d’anéantir l’humanité et de conquérir le monde) de manière à extraire l’ADN des cellules contenues dans la salive. Cet ADN est ensuite amplifié (clique ici pour un rappel concernant la PCR), et l’étape de génotypage à proprement parler est réalisée après hybridation et lecture sur une puce Illumina HumanOmniExpress-24.

Au fur et à mesure de l’avancée du processus, le site internet de l’entreprise informe des opérations…

Genotypage-etapes

Jusqu’à arriver au plus intéressant : les résultats !

De ce côté, quelques points à retenir : le site 23andme fournit essentiellement des interprétations pour la généalogie depuis que l’agence de sécurité sanitaire américaine, la FDA, a posé son véto sur l’interprétation des données à but médical. C’est cependant un dossier en cours et à suivre de très près.

Parmi les outils disponibles, il est donc possible de se pencher sur ses origines géographiques ancestrales (3 types d’interprétations en fonction des hypothèses : conservative, standard et spéculative), d’obtenir des informations sur les haplotypes (grandes lignées) de chacun des deux parents, et d’obtenir le pourcentage de correspondance avec un génotype néanderthalien. Un deuxième set d’outils est plus spécifique à une utilisation pour les recherches généalogiques : à partir de la base de données de clients et sur le rapprochement entre les différents génotypes, le site est en mesure de vous mettre en contact avec la famille proche ou éloignée potentiellement identifiée. Enfin, un troisième ensemble d’outils est dédiée à la recherche participative menée par 23andme, lesquels mènent en partenariat avec la recherche publique des études de génétique d’association sur la base de questionnaires. Pour l’exemple, les efforts de recherche actuels sont centrés sur la maladie de Parkinson, les sarcomes, et les néoplasmes myéloprolifératifs.

Genotypage-ancestry-composition
Mes origines ancestrales selon l’hypothèse standard. Je suis à plus de 11% d’origine italienne !
Genotypage-neanderthal
Et j’ai 3% de mon génome en correspondance avec l’homme de Néanderthal… groumph !

Si la généalogie et la recherche participative ne sont pas votre dada, il est tout à fait possible de télécharger les données brutes… et de les exporter par la même vers un autre service en vue d’une interprétation médicale.

Ci-dessous, un extrait de mon fichier de résultats brut…

# This data file generated by 23andMe at: Tue Apr 22 14:47:37 2014
#
# Below is a text version of your data.  Fields are TAB-separated
# Each line corresponds to a single SNP.  For each SNP, we provide its identifier 
# (an rsid or an internal id), its location on the reference human genome, and the 
# genotype call oriented with respect to the plus strand on the human reference sequence.
# We are using reference human assembly build 37 (also known as Annotation Release 104).
# Note that it is possible that data downloaded at different times may be different due to ongoing 
# improvements in our ability to call genotypes. More information about these changes can be found at:
# https://www.23andme.com/you/download/revisions/
# 
# More information on reference human assembly build 37 (aka Annotation Release 104):
# http://www.ncbi.nlm.nih.gov/mapview/map_search.cgi?taxid=9606
#
# rsid    chromosome    position    genotype
rs12564807    1    734462    AA
rs3131972    1    752721    GG
rs148828841    1    760998    CC
rs12124819    1    776546    AG
rs115093905    1    787173    GG
rs11240777    1    798959    GG
rs7538305    1    824398    AA
rs4970383    1    838555    CC
rs4475691    1    846808    CT
rs7537756    1    854250    AG
rs13302982    1    861808    GG
rs55678698    1    864490    CC
i6019299    1    871267    CC
rs1110052    1    873558    GT
rs147226614    1    878697    GG
i6052728    1    878697    GG

Pour 5 brouzoufs supplémentaires et 15 minutes de temps de traitement, le service Promethease de SNPedia vous éditera un rapport complet des associations connues entre les différents variants observés dans votre génotype et les prédispositions médicales telles que mises au jour par la recherche. Les résultats sont en anglais et ça devient assez technique, mais l’interface du rapport Promethease a ceci de bien qu’elle permet de trier les interprétations en fonction du nombre de références bilbiographiques, de degrés d’interprétation subjective « négative/neutre/positive » des phénotypes potentiels, et d’un index d’intérêt nommé « magnitude ».

Pour l’exemple, je suis trois fois plus susceptible de développer une cirrhose, mais je possède un risque moindre de fibrillation atriale… je suis également un métaboliseur lent de caféine ce qui m’y rend plus sensible, et je possède un variant dit « warrior » du SNP rs4680 : « higher COMT enzymatic activity, therefore lower dopamine levels; higher pain threshold, better stress resiliency, albeit with a modest reduction in executive cognition performance under most conditions »… ce qui veut dire que je supporte bien le stress mais que ça me rend un peu plus con ! \o/

Genotypage-promethease

En bref, l’idée du génotypage est avant tout d’obtenir des données brutes sur soi même. Les technologies permettant d’obtenir ces données sont à l’heure actuelle assez fiables, mais le problème réside aujourd’hui dans l’interprétation de cette information génétique.

Du point de vue médical, la combinaison 23andme et Promethease fait un premier pas dans ce sens, mais elle implique de garder un regard critique et un bon sens scientifique vis à vis de la masse de résultats retournés. Si vous êtes du genre à consulter Doctissimo pour le moindre de vos symptômes et de conclure que vous avez tous les cancers du monde, passez votre chemin. Vraiment. Du point de vue généalogie, 23andme seul peut retourner des résultats intéressants via l’interrogation d’une large base d’utilisateurs, et l’exportation des résultats bruts permet leur utilisation avec des outils tiers (comme par exemple la plateforme Esquilax de Stanford) ou au sein d’initiatives de recherche en génétique des populations faisant appel à ce type de données.

Pour l’un comme pour l’autre, il faut garder à l’esprit que rien n’empêche dans le futur que de nouveaux outils soient développés sur la base de nouveaux résultats, rendant plus fiables l’analyse et l’interprétation de données déjà acquises. Cette pratique de constante remise en question des résultats est quelque chose de bien ancré dans la culture scientifique.

Enfin, le libre accès à de tels outils pose bien évidemment des questions d’eugénisme, traitées dans Bienvenue à Gattaca et comme évoquées dans quelques uns des articles ci-dessous. Mais il faut garder en tête que le génome ne fait pas l’individu, et qu’une part d’épigénétique toujours mal comprise retient encore le lever de rideau sur l’interprétation complète du génome humain.

Si le sujet vous intéresse, je vous invite à consulter les liens ci dessous, qui approfondissent le sujet :

Montpellier, semaine 14

Bonjour à tous !

Ça fait un bail que je n’ai pas écrit par ici ! En fait, pas depuis l’article sur ma première semaine montpellieraine, publié début septembre. Ouais, ça craint, hein? Mais tout n’est pas perdu! Étant donné que les vacances de Noël approchent, il m’est possible, par un subtil truchement logique, de retourner le problème et de retomber sur mes pattes en vous proposant une rétrospective de la première moitié de semestre passée à SupAgro. Je pourrais du coup en profiter pour vous parler un peu plus en détails du contenu de la formation suivie, mais aussi vous toucher deux mots quant à la vie sur le campus de la Gaillarde, entre autres choses !

Allons-y, donc.

Comme j’en parlais dans mon billet de septembre, j’étudie dans l’option APIMET, qui nous forme à la sélection variétale. Pour remettre les choses dans leur contexte, les sélectionneurs sont des monomaniaques de l’amélioration des végétaux, qui peuvent travailler à la compréhension des mécanismes impliqués dans la tolérance aux stress environnementaux, la résistance aux maladies, et l’augmentation de la productivité d’une manière générale. C’est l’aspect « recherche fondamentale » de la discipline. Mais comme leur nom l’indique, les sélectionneurs pratiquent surtout, au sein de tout un tas d’espèces cultivées, la sélection variétale. C’est ici l’aspect « de terrain », qui revient, sur la base des critères évoqués, à sélectionner les plantes ayant des caractéristiques recherchées pour éventuellement les faire se croiser entre elles et obtenir une plante encore mieux ! Le sélectionneur est donc, en quelque sorte, une espèce d’agent matrimonial pour plantes exigeantes (oui, c’est un parallèle facile et rigolo avec des sites de rencontre comme Attractive World, pour « célibataires exigeants », lol).

Il est cependant nécessaire de reconsidérer, du moins partiellement, l’image d’Épinal du sélectionneur dans son champ, casquette vissée sur le crâne, bottes en caoutchouc aux pieds et carnet de notes à la main. Car oui, mesdames et messieurs, la sélection se dote de nouveaux outils, aborde le virage de l’information à haut débit, et il devient de plus en plus fréquent de sélectionner la plante sur des résultats massifs de phénotypage, génotypage, voire séquençage, nécessitant d’importants traitements informatiques et statistiques. C’est ce que nous avons pu observer lors de visites, à la fois chez les grands semenciers et les labos publics. Et c’est ce dont à quoi nous sommes en train d’être formés, au travers des modules de génomique appliquée, ressources génétiques et gestion de la diversité, méthodes de sélection et création variétale, gestion des stress abiotiques et biotiques, statistiques et modélisation. Un joli set d’outils (dont beaucoup de R) qui, je l’espère, nous permettra de nous débrouiller dans tout contexte de sélection !

Concernant les débouchés, le double aspect fondamental/terrain mène à des postes aussi bien chez des instituts de recherche en France ou à l’international, que chez des semenciers allant de la petite coopérative à la grande multinationale. Le truc chouette, c’est qu’au delà des salaires moyens à l’embauche, qui sont parmi les plus élevés à la sortie des écoles d’agro, le marché est actuellement demandeur en sélectionneur. Pour illustrer ce propos, nous avons reçu cette année dans notre formation près de 40 offres de stage de fin d’études, pour 12 étudiants seulement…

…ce qui me permet de transitionner très habilement vers l’épineuse question du sujet de stage de fin d’études ! Enfin, pas si épineuse que ça dans la mesure où j’ai été reçu à l’entretien d’une équipe de recherche sympa, sur une problématique sympa, et dans un endroit sympa. En quelques mots : mise en place d’un test sur bananier pour sélection sur résistance à la cercosporiose noire, CIRAD Guadeloupe. La station expérimentale est basée sur les hauteurs de Capesterre-Belle-Eau (ici l’article Wikipedia, là une vue satellite GéoPortail), et a l’air d’autant plus chouette qu’on peut en trouver des photos et des récits au quotidien sur le blog d’une élève-ingé de l’ENSAIA, passée par là-bas en 2007 pour travailler sur la qualité et la durée de vie du fruit en liaison avec cette même maladie. Wait and see, donc.

Pour revenir brièvement sur la vie montpellieraine avant de conclure, on a en fait pas mal de boulot (surtout dans les modules de génétique quantitative, notez bien ça futurs copains APIMET), ce qui ne rend pas forcément évident le fait de caser les sorties dans l’emploi du temps. Heureusement, l’ambiance de la promo sous la pression est plutôt bien tamponnée, et la toute récente campagne pour l’élection de l’équipe du Cercle (l’équivalent du BDE) est venue détendre tout le monde. Petit point sur cette campagne, qui se déroule d’une façon rigolote : les différentes listes se présentent de façon anonyme, aphone et masquée, sous un nom amusant (cette année: les Guyguydanceurs, les Guymmortels, les Nimport’Guys, les Guylis Guylis, les Power Guyseurs), et organisent des évènements pendant toute une semaine au sein de la résidence afin de prouver leurs détermination et motivation. Le meilleur étant bien évidemment la livraison de petit déjeuners à domicile 🙂 Voila! Sinon à part ça, on s’est amusés à se faire des hoodies de promo, et puis c’est à peu près tout. Mais bon, on fait de la génétique et on le fait bien. Que demande le peuple ?

Dernière semaine avant les vacances de Noël, donc, avec un module à priori tranquille de législation en industrie semencière. J’ai hâte de rentrer pour revoir la famille et mon païs, bien manger, distribuer mes cadeaux, en recevoir aussi, revoir les amis et aller skier. Et vous, vous avez quoi de prévu ? 🙂

Je vous laisse, je file voir le Hobbit dans une salle obscure 😉

Baïetas !

« TD de génétique quantitative sous R par visioconférence avec J.-L. Jannink, USA »

« 23h, hôtel les Balladins Clermont-Ferrand, cours du soir de génét' »

« Les Guymmortels »

« Les Power Guyseurs »

« Les p’tit déjs! »

« Soirée crèpes de l’option agroalim »

« TD ModelMaker »

« Un maïs OGM rigolo »

Sam c ki ?

Vous remarquerez le style des fioles pour faire de la génétique. C’est très visuel tout ça. Amis molécularistes, n’en tenez pas compte je vous prie. Bisous.